Entrevue | Accouchement avec une sage-femme en Centre hospitalier

Entrevue par Martine Boucher

De plus en plus, on entend parler de la possibilité d'accoucher avec une sage-femme en maison de naissance, mais on oublie souvent qu'il est possible d'accoucher dans un Centre hospitalier avec une sage-femme. Un excellent compromis pour ceux et celles qui hésitent! Mira et son conjoint Cedrik ont fait ce choix pour la naissance de leur petit Kylian.

Pourquoi as-tu choisi d’accoucher en centre hospitalier avec une sage-femme?

Nous avons choisi le centre hospitalier pour le premier enfant parce qu’on voulait que ce soit naturel, mais sécuritaire et que la maison de naissance affiliée avec le CSSS Jeanne-Mance n’était pas encore officiellement ouverte. Nous avions donc le choix entre la maison et l’hôpital. Nous avons aussi choisi que ma mère soit présente comme soutien et comme accompagnatrice. Nous voulions que ce soit le plus naturel possible, mais nous voulions garder l’option médicale s’il y avait des complications.


As-tu consulté ton conjoint pour prendre ta décision?



Cedrik, Mira et Kylian
Oui et non, il déteste les hôpitaux et pour lui c’était une façon de s’assurer que nous y passerions le moins de temps possible. Dès le début, il m’a appuyé dans mon choix. Il est venu à toutes les rencontres/suivis et a beaucoup aimé le contact humain des sages-femmes que nous avons rencontré ainsi que l’approche plus douce et personnelle du suivi. Pour lui, tout était nouveau, mais il a adoré son expérience.

Comment avais-tu entendu parler des sages-femmes?


Je ne me suis pas vraiment posé la question en fait, pour moi c’était tout naturel. Ma mère a eu ses trois enfants naturellement à la maison avec une sage-femme et elle a par la suite été elle-même aide sage-femme et sage-femme. J’ai grandi en trouvant ça complètement fou, mais normale. Par contre avant d’être enceinte, je ne m’étais jamais demandé si je voulais être suivi par un médecin ou une sage-femme.


Comment t’es-tu préparé à ton accouchement?


J’ai fait du yoga, de la natation et j’ai marché beaucoup tout au long de ma grossesse, j’étais très en forme.

Nous avons lu et commencé à nous préparer à la méthode Bonapace plusieurs semaines avant l’accouchement. Malheureusement, comme j’ai accouché à 36.4 semaines nous n’avons pas eu le cours que nous allions suivre dans la même semaine. Mon conjoint et ma mère disent avoir utilisé plusieurs techniques de gestion de la douleur, notamment les points de pression proposés par la méthode. La sage-femme, ma mère et mon conjoint ont donc utilisé certaines méthodes, mais je ne m’en souviens pas. De mon côté, j’ai essayé de me concentrer sur le positif pendant les contractions douloureuses du travail en me disant que mon fils était en route et que la douleur était positive. Pour moi cette façon de penser a été essentielle. Je recommande au minimum de lire ou de prendre connaissance de la méthode Bonapace, même seulement à titre informatif.


Nous avons aussi suivi des cours prénataux avec le centre des naissances qui était donné par les sages-femmes. Ces cours nous ont permis de créer des liens avec d’autres couples dans la même situation que nous, de répondre à nos questions et de se préparer plus concrètement à l’accouchement lui-même.


Quelles étaient tes craintes face à l’accouchement?


J’avais très peur de ne pas être capable de supporter la douleur. Je ne suis pas quelqu’un qui la tolère très bien à la base et je m’attendais au pire. J’ai eu aussi la mauvaise idée de regarder des photos des déchirures périnéales et j’avais si peur de déchirer que j’ai eu peur lors de la poussée. J’ai dû pousser pendant près de 2 heures parce que ma peur prenait parfois le dessus. Bien sûr l’idée de la césarienne ou du 72 heures de travail m’ont fait peur, mais je suis du genre à m’attendre au pire pour que finalement tout se passe très bien. J’ai beaucoup travaillé sur moi-même pendant ma grossesse en me disant que ce serait bébé qui déciderait du déroulement et pas moi. Ça m’a beaucoup aidé dans le lâcher-prise sur mes peurs et attentes.


Quels étaient tes souhaits pour ton accouchement?


Dans le meilleur des mondes je voulais accoucher naturellement, sans épidurale et par voie vaginale. Comme j’ai accouché tôt, nous n’avons pas eu le temps de faire un plan de naissance, mais si j’avais pu en faire un je ne crois pas que j’aurais pu souhaiter un meilleur accouchement. Je souhaitais par-dessus tout ne pas avoir recours à l'épidurale. Le côté complication, hospitalisation et rémission de la péridurale me faisait très peur. Ma seule demande était vis-à-vis de mon conjoint, tout faire en son possible pour m’encourager, me supporter et s’assurer de me rappeler pourquoi je ne l’a voulait pas, au cas où je l’a demanderais. Pour ce qui est du reste, je n’avais pas vraiment d’attentes.


Comment a commencé ton travail?

Je suis probablement l’exception à la règle, j’ai un peu accouché comme dans les films. J’ai eu une journée normale avec quelques petites contractions, mais rien de régulier ou d’organiser. Les contractions ne m’ont pas empêché ni de marcher ni de parler. J’ai perdu mes eaux en soirée (19h21) dans mon salon, juste après avoir coupé les cheveux de mon conjoint. Les contractions se sont déclenchées dans les minutes qui ont suivi. Elles ont été tout de suite très intenses, (contractions de 45 secondes à 1:30 min au moins de 3 minutes). J’ai honnêtement cru que j’allais accoucher chez moi et avec raison. Le temps de me rendre à l’hôpital (+- 20h00) j’étais dilaté à 8. À 23h47, bébé était dans mes bras. Pour un prochain accouchement je suis consciente que je dois prévoir qu’il est possible que j’accouche chez moi comme la poussée est généralement plus courte pour un second bébé.


Comment ton conjoint a réagi à l’accouchement? Comment t’a-t ‘il supporté?


Il a été parfait! J’avais une certaine crainte, comme il a une peur bleue du sang et des hôpitaux. Il m’a vraiment surpris, une fois à l’hôpital, il était calme et super présent. Il n’a pas manqué une contraction, me tenant la main, la jambe, au besoin. Sa présence m’a aidé à continuer lorsque j’étais fatiguée et je me suis sentie supporté tout au long de mon accouchement. Il a utilisé des points de pression de la méthode Bonapace, m’a épongé le front avec une serviette froide ou réchauffée selon ma température corporelle. J’avais peur que l’image de moi qui accouche le trouble, mais je ne me suis pas sentie jugée, seulement supportée. Il a même failli « attraper » le bébé à sa sortie, il était prêt à faire le peau à peau nécessaire si besoin dès sa sortie et j’ai trouvé ça rassurant. Il a coupé le cordon avec fierté et ce même s’il appréhendait ce moment depuis des mois. Il a regardé le placenta, il a même dit à plusieurs reprises à quel point il trouvait que c’était beau. Il était ému, fier et heureux. Il a adoré l’expérience avec les sages-femmes. Il y avait lors de mon accouchement 2 sages-femmes, une stagiaire, une aide natale ainsi que ma mère. De nature très énergique, il s’est senti calmé par elles entre les contractions de poussée. Il m’a raconté avoir eu l’impression qu’elles me guidaient et m’accompagnaient à chacune des contractions et qu’elles aussi reprenaient leur calme et il a dit avoir trouvé ça « beau ».

Est-ce qu’il y a eu un moment pendant l’accouchement où tu as regretté ta décision d’accoucher à l’hôpital? Aurais-tu aimé être en maison de naissance?


Non, pas vraiment. Je me sentais en sécurité et pour un premier accouchement c’est ce qu’on voulait. Nous n’avions pas l’option d’être à la maison de naissance, mais nous y pensons pour un deuxième. J’ai eu peur d’accoucher à la maison, je ne me sentais pas prête à le faire, du moins pas pour un premier.


Quels étaient les accommodements mis à ta disposition à l’hôpital?


Je n’ai pas eu le temps de me rendre dans le bain, mais j’aurais pu y aller. Tout le matériel est à notre disposition comme si nous accouchions avec un médecin « régulier ». J’ai particulièrement aimé le banc en forme de siège, puisque la poussée est plutôt abstraite lorsque l’on n’a jamais accouché. J’ai beaucoup aimé pouvoir me positionner à ma guise selon comment je me sentais et savoir que j’avais le choix d’accoucher de la façon qui me plaisait.


Comment le personnel de l’hôpital a réagi à la présence de ta sage-femme?


Je n’ai vu aucun membre du personnel de l’hôpital. Je sais qu’il y a eu communication avec un médecin comme mon fils n’avait pas tout à fait 37 semaines, mais je ne l’ai pas vu. Le CHUM St-Luc est habitué à travailler avec les sages-femmes du CSSS et si nous choisissons d’accoucher avec une sage-femme et que tout se passe bien, ils n’interviennent pas du tout.


Comment se sont passé les heures suivant l’accouchement? Comment t’en es-tu remise?


Nous sommes rentrés à la maison vers 3h00 dans la nuit suivant l'accouchement, un peu sous le choc, mais en bonne forme considérant le fait que je venais d’accoucher. Comme je n’ai pas eu de points, de déchirure ou d’intervention médicale, je me suis remise rapidement. Par contre, mon seul bémol est que comme nous étions à la maison, beaucoup de gens sont venus nous visiter dès le lendemain. J’ai trouvé les visites épuisantes. Nous mettrons nos limites pour un prochain accouchement. J’ai beaucoup aimé les visites à domicile des sages-femmes après l'accouchement, je me suis sentie rassurée et confortable avec elles. Être à la maison avec mes deux hommes dès le début m’a fait du bien.  Nous comptons avoir un deuxième enfant avec les services d’une sage-femme autant pour le suivi avant, l’intervention pendant que le suivi après.



Merci à Mira de nous avoir permis d'en savoir plus sur cette pratique et de nous avoir fait entrer dans son intimité le temps de quelques questions.

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